1. les zones où on ne peut pas rentrer un ballot entier, et où il faut mettre de petits morceaux
J’en ai déjà parlé un peu dans les précédents billets, mais en voici le résumé. Il y a deux cas de figure : soit pour une raison ou une autre (mais c’est en général à cause des ouvertures), l’espacement entre deux ossatures est inférieur à la taille de vos ballots, et il faut donc des ballots plus courts, soit la hauteur disponible ne permet pas de rentrer un ballot entier, et il faut un ballot plus fin.
Dans le premier cas, ce n’est pas très gênant, car les demi-ballots se font assez rapidement, quand on a une bonne aiguille et un peu de pratique. Cependant, c’est toujours plus long que de poser un ballot normal, donc j’ai souvent lu le conseil de positionner et dimensionner ses ouvertures selon des multiples des dimensions d’un ballot. Nous ne l’avons pas fait, car nous voulions avoir une plus grande liberté dans la taille et la position de nos portes et de nos fenêtres. Mais bon, rien n’empêche d’y penser quand même au moment de faire le plan de l’ossature. Une autre solution consiste à travailler avec des ballots les plus courts possible. Par exemple, ne commandant à son agriculteur des ballots de 60cm, vous pouvez espacer vos ossatures d’autant, et il sera donc beaucoup plus facile de positionner portes et fenêtres en respectant ce quadrillage. Seul problème, cela consomme plus de bois, et le bois c’est cher. Cependant, beaucoup de gens utilisent cette méthode, surtout les professionnels, car elle a l’avantage de respecter le DTU ossature bois. A noter que ce problème disparaît presque complètement dans le cas d’une ossature de type GREB.
Dans le deuxième cas, c’est beaucoup plus gênant, car il est bien plus dur de couper un ballot dans le sens de l’épaisseur. Et ensuite, bien plus dur de glisser ce morceau. Voici comment je m’y suis pris :
Sur ces deux images, on voit bien où se situent les problèmes. De temps en temps, ça tombe bien, on va pouvoir terminer pile avec un ballot, mais dans d’autres, on se retrouve avec une tranche batarde. Et pour les pignons, c’est pire, il faudrait une botte triangulaire…
Donc, voici la technique que j’ai utilisée :
- Il ne reste pas la place pour une botte complète
- je pose une planche de volige sur la dernière botte, entre les deux ossatures, et je tasse au maximum avec le cric, puis je bloque en vissant en biais des deux côtés
- Je rentre 1 ou 2 tranches de l’épaisseur voulue, que je tasse avec un autre morceau de volige dans l’autre sens
- Dans le dernier carré, je rentre un morceau de botte le plus ajusté possible. Si ça rentre trop facilement, c’est qu’il était pas assez gros.
Pour les pignons, c’est le même principe, sauf que j’essaye de faire des tranches de bottes avec un côté en biais, grâce à ma presse à botte maison :
Mais dans l’idéal, il faudrait n’avoir à rentrer que des ballots entiers, ça ferait gagner beaucoup de temps au moment de la pose, et même au moment des enduits, car des ballots entiers sont plus faciles à enduire que des petits bouts pas forcément très bien tassés, et entre lesquels subsistent toujours des petits trous.
Pour ça, il faut d’une part avoir des ballots d’une épaisseur un peu régulière (et donc ne pas utiliser ceux qui ne sont pas de la bonne épaisseur), et d’autre part, calculer ses hauteurs de murs pour que ça fasse un multiple de l’épaisseur d’un ballot.
Si vous utilisez la technique des tasseaux entre chaque rangée de bottes, ça ne devrait pas poser de problème, à condition d’avoir ses bottes avant de faire les plans (où en tous cas, des bottes de la même presse), mais quand on utilise la technique du cric, comme moi, il faudrait en plus savoir de combien on va tasser les bottes, ce qui dépend de leur densité. Ce n’est pas évident, mais comme on est pas au centimètre près, ça doit pouvoir se faire. D’abord, mesurer l’épaisseur des ballots avec la technique de Tom Rijven : empilez-en 10, et mesurer la hauteur de ce tas. ça donnera l’épaisseur moyenne du ballot. Enlevez environ 5% pour le tassage, et vous aurez votre unité de base. Ensuite, il ne reste plus qu’à faire le plan de ses murs en fonction.
Ca ferait gagner pas mal de temps au moment de la pose, à condition de pouvoir voir les bottes avant de faire les plans, ce qui n’est pas évident.
Dans mon cas, si je n’avais pas utilisé de ballots de mauvaise qualité, ce serait bien tombé pour l’étage. 200cm, pour 6 ballots, ce qui nous fait une moyenne après tassage de 33,3cm. Sachant que l’épaisseur standard d’un ballot est de 35 (mais il existe des presses qui font moins), ça paraît une bonne moyenne, sur laquelle vous pouvez éventuellement vous baser si vous n’avez pas vos ballots au moment de faire les plans.
2. les zones où l’ossature empêche de mettre un ballot, même un petit bout, et où il faut donc combler d’une autre manière
On ne peut pas construire une maison uniquement avec des ossatures simples espacées de 80-90cm. Il y a d’une part les moments ou il faut les rapprocher plus (mais on l’a vu, ce n’est pas très problématique), mais aussi des moments, où il faut doubler, voire tripler ou quadrupler l’ossature, pour qu’elle puisse porter des charges plus importantes ou intégrer une ouverture.
Dans mon cas, il a fallu quadrupler certains montants pour pouvoir porter la faîtière et les gros refends du salon (je ne rentre pas dans les détails, mais en gros, il y a une charge importante à un endroit du mur, qui ne peut être encaissée par un montant simple, même coincé entre les bottes), et doubler les montants en dessous des fenêtres (pour pouvoir porter la fenêtre, le montant horizontal en dessous de celles-ci doit être appuyé sur deux petits montants verticaux qui sont fixés contre les deux grands montants verticaux, qui eux encadrent la fenêtre, et montent jusqu’à la lisse haute.
Et comme vous le voyez sur ce croquis, quand il y a une ossature simple, elle est englobée par les bottes de pailles, qui, rentrées en force entre les ossatures, s’évasent des deux côtés. Par contre, quand l’ossature est doublée, elles ne peuvent pas être recouverte entièrement, il faut donc boucher le trou.
Il arrive même souvent, si des bottes pas assez denses ou mal redressées ont été utilisées, qu’il y ait des trous même dans le cas d’une ossature simple, surtout au niveau des angles de la botte. J’en parlerai plus au point 4.
Pour boucher ces trous, j’ai utilisé avec succès de la fibralith, découpée en bande de la largeur voulue. Dans le cas d’une ossature double, par exemple, je me retrouve avec un trou d’environ 10cm de large sur 15 de profondeur. Je remplis donc de paille au maximum (après avoir agrandi un peu le trou pour être sûr que je pourrais y rentrer ma bande de fibralith sans appuyer sur les bords de la botte), puis je coince et comprime cette paille en vrac, en y plaquant la bande de fibralith grâce à des grandes vis (180mm). Ce qui fait que je me retrouve d’une part avec une bonne isolation, car la paille a été comprimée, et d’autre part avec un bon support d’enduit.
J’ai utilisé de la fibralith de 50mm d’épaisseur, car c’est tout ce que j’avais. On doit pouvoir faire des économies en prenant de la 25, mais en même temps, elle doit être plus fragile, et il faut donc mettre plus de vis pour pouvoir comprimer la paille sans la casser. Ici, je me contente de 3 vis (avec rondelle).
Une autre zone spéciale, c’est la ceinture d’étage. Dans une maison en ossature-bois, dans le cas d’une maison à étage, on ne construit pas toute la hauteur du mur d’un coup. On construit d’abord les murs du rez de chaussée, sur lesquels on pose le solivage du plancher, et c’est sur ce solivage qu’on va construire le mur de l’étage. Et le solivage lui-même est accroché à une ceinture en bois qui fait tout le tour de ma maison. Dans mon cas, en raison de la technique utilisée par mon charpentier, cette ceinture est exceptionnellement haute (40cm, +5 de lisse haute du mur du rdc + 10 de lisse basse du mur de l’étage, soit en tous 55cm !). D’autres charpentiers pourront en faire de bien moins hautes, mais il y en aura toujours une. Et à cet endroit, impossible de mettre des bottes.
J’ai d’abord pensé faire comme pour la lisse basse : 3 couches de fibralith. Mais outre que ce n’est pas très isolant, ça coûte les yeux de la tête, plus cher que le liège. Je me suis donc mis en quête d’un isolant peu cher qui conviendrait, mais sans succès. C’est finalement Michaël qui m’a donnée l’idée de coincer des tranches de bottes de pailles derrière des petits tasseaux vissés dans la ceinture :
Avantages : ça coûte juste le prix des vis (50cts pièce, quand même), c’est très isolant, et c’est assez rapide à faire. Inconvénient, les brins de pailles sont à la verticale, ce qui fait que l’enduit accroche beaucoup moins bien. Et on laisse quand même des trous par endroits, ou des zones pas assez tassées, sur lesquelles il faut revenir au moment de mettre l’enduit. Je pense que j’aurais pu utiliser la même technique que pour les doubles montants, c’est à dire coincer la paille avec une plaque de fibralith, et non des tasseaux.
J’avais aussi le même problème sous le toit, entre les chevrons, que j’ai résolu de la même manière. J’ai là utilisé la fibralith à la place des tasseaux, et on gagne beaucoup de temps à l’enduit.
Il y a aussi la ceinture à l’intérieur, que j’ai pour le moment prévu de traiter de la même manière (mais il ne me restera plus de fibralith).
3. les zones « spéciales », comme les angles, les encadrements de fenêtres, les lisses hautes et basses (qui se confondent souvent avec les zones du point 2)
Les angles, c’est toujours assez particulier pour les maisons paille avec ossature bois. Il existe pas mal de techniques différentes. Dans notre cas, le charpentier a fait comme il avait l’habitude de le faire avec les MOB classiques. J’ai donc le bois nettement en retrait pas rapport à la paille. J’aurais pu là aussi mettre de la paille coincée par des tasseaux, mais j’ai préféré mettre 2 couches de fibralith, car ça renforce un peu l’angle, et ça donne un structure régulière sous la terre qui permet de faire des angles arrondis, mais pas trop tordus.
Pour les lisses basses, comme mes fondations ne font que 20cm de large, il me fallait là aussi quelque chose d’assez solide pour compléter la largeur de la lisse. Si vous avez des fondations larges, il suffit de mettre du liège de part et d’autre de la lisse. C’est donc avant tout pour là que j’ai acheté de la fibralith, et il faut dire que c’est vraiment très adapté.
Pour les encadrements de fenêtres, j’avais imaginé mettre une structure en canisse ou en grillage, et faire le mur en arrondi jusque sur le dormant de la fenêtre. Beaucoup de gens font des encadrement en bois de l’épaisseur du mur,mais c’est pas forcément évident de faire un bel ébrasement.
J’ai donc choisi de faire cet ébrasement, intérieur et extérieur, avec l’enduit. Je pensais donc au départ utiliser un support d’accroche comme de la canisse, mais j’ai vu chez Thomas que moyennant quelques clous, la terre tenait très bien sur le bois. Il suffit de mettre beaucoup de paille pour alléger un peu la pâte. Autant ça me paraît parfait pour les verticales, autant pour le linteau, je craignais d’avoir du mal à faire quelque chose de joli, d’autant que je ne pouvais pas rentrer de botte entière au dessus des portes et fenêtres. J’ai donc décidé de mettre une planche horizontale à l’intérieur et à l’extérieur, jusqu’à ras de l’enduit.
Michaël m’a conseillé de trouver un système pour faire une goutte d’eau au dessus de la fenêtre, et surtout éviter que l’enduit ne fissure juste au dessus de cette planche de bois. J’ai donc chercher des portes solins en zinc, mais ceux qu’on trouve chez la plupart des revendeurs de matériaux ont une partie de métal visible très haute. J’ai trouvé un fabricant qui a une version invisible (le dernier en bas de la liste), mais impossible de trouver un revendeur dans mon coin. Je suis donc allé chez un plieur de métal à façon pour lui en faire faire une version simplifiée, sans le grillage support d’enduit (la terre, ça colle tellement bien sur tout qu’il n’y en a pas besoin). Vu que ça ne coûtait pas trop cher, j’en ai pris aussi pour le bas des murs, à poser sur la fibralith. Ca va éviter que l’eau qui ruisselle sur la façade ne reparte vers la fondation.
4. les zones où des bottes de mauvaise qualité ont été utilisées, et où il faut boucher des trous.
C’est sans doute un des points qui m’a fait perdre le plus de temps : d’abord on perd du temps au moment de les poser, puis au moment de boucher les trous, puis au moment de mettre l’enduit.
Ce qui est malheureux, c’est que la meilleure botte pour la construction sera la botte « industrielle » : régulière, carrée, tassée, sans mauvaise herbe. Alors que souvent la botte du paysan du coin sera pas assez tassée, irrégulière, tordue, et, pleine de mauvaises herbes. C’est d’autant plus vrai en prenant de la paille bio, qui, n’étant pas traitée, contient plus de mauvaises herbes, surtout les années pluvieuses, comme celle où j’ai acheté la mienne. Je viens de me faire livrer un complément de bottes, et c’est de loin les plus belles que j’ai eu : beaucoup plus lourdes, très droites. Mais elles ne sont pas bio. Cependant, c’est sans doute tout à fait possible de trouver des bottes bio de qualité. Et même les miennes, j’aurais pu être plus vigilant quand elles ont été faites, et demander au paysan de régler différemment sa machine. Mais à l’époque, je ne savais pas du tout ce qu’était une bonne botte. J’ai vainement cherché des informations sur le sujet, mais ni le bouquin de Bouter, ni le forum des compaillons n’ont pu me le dire clairement. Donc d’après mon expérience, et pour mon type de construction, voici les points qu’il vous faut vérifier :
- Il faut que ce soit de la paille, et non de l’herbe. Ca paraît con, mais certaines années, dans certains champs, il peut y avoir plus d’herbes que de blé. Enfin quand je dis herbes, c’est plutôt chardons, picride & compagnie. Ca fait des bonne tiges bien dures, certainement très isolantes, et résistantes dans le temps, mais contrairement à la paille, ce n’est pas du tout élastique : et donc, avec le temps, inexorablement, la botte va se tasser. Mes bottes qui contenaient trop de machins comme ça sont passées en une année de 35 à moins de 30cm d’épaisseur. Et en plus, les chardons, ça pique les doigts, et ça fait énormément de poussière. Posez-vous cette question si vous envisagez d’utiliser des bottes de lavande. Je ne suis pas du tout sûr que ce soit aussi élastique que la paille.
- Il faut des bottes denses. Je n’ai malheureusement pas pesé mes bottes, mais d’après les avis des uns et des autres, il est fort possible qu’elles fassent tout juste 15 kg, et certaine moins. Or, il semble que le bon poids, pour une botte de 90cm de long, soit entre 15 et 20. Je connais même quelqu’un qui ne crache pas sur une botte de 22kg. Je ne suis pas certains qu’il faille aller jusque là, parce que c’est quand même beaucoup plus dur à manipuler, et qu’il est possible que comme pour la fibre de bois, au delà d’une certaine densité, la résistance thermique baisse (la fibre de bois, plus elle est tassée, moins elle est isolante). Et en plus, dans mon cas, il fallait encore rentrer les bottes en force entre les deux montants. Et donc une botte trop dense nous aurait obligé à avoir des bottes exactement à la dimension, sous peine de ne pas pouvoir les rentrer.
Mais sans aller jusque là, je pense qu’il faut s’arranger pour être au dessus de 15kg. Une botte trop légère se déforme trop facilement, et est très difficile à enduire.
- Il faut des bottes droites : une maladie commune à beaucoup de presse et de faire des bottes moins tassée d’un côté que de l’autre, avec pour effet une botte qui se tord d’un côté, torsion qui s’accentue quand on veut la rentrer entre deux ossatures. Et on a beau la redresser à coup de persuadeur, elle a tendance à reprendre sa forme tordue.
Bref, pour boucher tous ces trous, l’erreur est d’essayer de rentrer de la paille sèche : sur le coup, ça paraît très bien parce que les trous disparaissent, mais au moment de mettre l’enduit, le poids de la terre entraîne la paille en la faisant sortir du trou où on l’avait mise. Il faut donc soit la coincer avec de la fibralith ou un petit morceau de bois, et une longue vis (ces trous sont en général proches des ossatures, donc c’est possible), soit la coller avec de la barbotine. C’est cette dernière technique que j’ai trouvée la plus rapide et efficace, pour les petits trous irréguliers. Mais bon, je vous en dirais plus dans un post spécifique aux enduits, parce que si je veux tout expliquer ici, je vais jamais réussir à le poster.
Pour ceux qui ont eu le courage de lire jusqu’ici, voici quelques photos récentes du chantier :